Pour ses 210 ans, la manufacture Brun de Vian Tiran nous convie à la « Filaventure », un musée sensoriel des fibres nobles. Périple sur les traces des étoffes, à la recherche de l’excellence.
Ne pas se fier aux apparences. Vénérable institution fondée en 1808, la manufacture Brun de Vian Tiran fabrique depuis deux siècles des étoffes nobles, dont la qualité est unanimement reconnue. Implantée à L’Isle-sur-la-Sorgue, au cœur du très chic Luberon, elle produit plaids, couvertures, couettes et châles habillant élégamment les belles demeures d’ici et d’ailleurs. Noblesse des matières, excellence des tissages, subtilité des teintes en font les vedettes de maints magazines de décoration. Distinguée par le label « Entreprise du Patrimoine Vivant », l’excellence de son savoir-faire est aujourd’hui officiellement reconnue. Voilà pour la façade, parfaitement léchée. L’extraordinaire ne réside cependant pas là. Derrière cette success story se cache… une véritable histoire d’aventuriers !
Une histoire d’aventuriers
Il y eu Tiran, il y eu Vian, puis, en 1886, Brun de Vian Tiran. Et, six générations après, Pierre Brun et, aujourd’hui, son fils, Jean-Louis. Si vous vous imaginez un chef d’entreprise en costume cravate vous énumérant des chiffres d’affaire, vous êtes loin du compte ! Cheveux au vent, bottes camarguaises aux pieds et maîtrise d’un art martial en poche, l’homme préfère les steppes. Il s’est lancé à la poursuite du fil parfait. Ce conquistador des fibres nobles est prêt à arpenter les lieux les plus reculés du globe, des plateaux d’Iran au désert de Gobi. Avec lui mérinos, cachemires, laines croisées, alpaga, mohair, angora ou soie sauvage deviennent les protagonistes d’un monde féerique où l’on parle de micron, d’hydratation, de toison ou de légèreté.
Le fil devient un monde. Comme la fève dans les mains d’un artisan-chocolatier, la fibre resplendit ici telle une pépite. Une pépite naturelle. Une pépite animale. Le lien va de soi : la liaison avec la vie est intrinsèque à cette recherche de la perfection.
Incroyables matières
Brun de Vian Tiran, c’est un travail sur plus de 20 matières différentes, 4 grandes familles de bêtes à laine, 100 000 brebis, 25 000 chameaux, 20 000 chèvres mohair, 6 000 lamas et alpagas, avec 200 bergers répartis sur les 5 continents. Des cachemires d’Iran aux incroyables chameaux de Mongolie, des chèvres angora du désert du Karoo, en Afrique du Sud, aux mohairs du Lesotho ou des rares yangirs des contreforts de l’Himalaya, au Kirghizistan… Des géographies se découpent, des bergers apparaissent, des troupeaux s’amassent et ruminent. Toute une vie gronde derrière la devanture bourgeoise !
Recherche de l’excellence
L’aventure recoupe ainsi une thématique qui nous est chère, celle qui rassemble tous les chercheurs de l’excellence : la préservation de la diversité et de la qualité naturelle. Déjà engagée dans le développement de modes de vie lointains, à travers le respect des filières d’approvisionnement équitables, la manufacture s’est aussi impliquée, en partenariat avec une ONG, dans les méthodes d’élevage de bébés chameaux en Mongolie. « La manufacture fonde son avenir sur ce naturel, cette beauté inégalable de la Nature et ce mode de vie oublié, fondé sur des choses simples et sur une vraie qualité », nous souffle Jean-Louis Brun.
L’histoire du mérinos d’Arles
L’aventure humaine apparait, elle aussi, cruciale. L’histoire du mérinos d’Arles est à ce sujet emblématique. Cette race de mérinos était, depuis des siècles, renommée pour la qualité de ses fibres, capables de produire une laine d’exception, parmi les plus fines d’Europe (moins de 20 micromètres). Issue d’Espagne, implantée en France à Rambouillet par Louis XVI, puis à Arles par Napoléon, elle fit la réputation des manufactures lainières de la Provence avant, inexorablement, de décliner… Dès les années 1930, elle est laissée pour compte (au profit de fibres plus à la mode, mais moins naturelles). Sans cesse recroisée, elle perd sa qualité originelle.
Lorsque Pierre Brun, aidé de Claude Gutapfel, partent à la recherche de cette laine d’exception, leur quête fut désespérée. Durant 7 ans, ils égrenèrent, un par un, tous les élevages de la région – plus de 2000 au total -, pour retrouver la trace de quelques spécimens épargnés… En vain. Ce fut presqu’un miracle lorsque, au bout de sept ans d’inlassables recherches, ils tombèrent, à Moulès, près de Fontvieille, sur un éleveur qui – étant resté hors des circuits – avait conservé certains mérinos d’origine. Préservée et renforcée, la race regroupe aujourd’hui une quinzaine d’éleveurs sur un cheptel d’environ 25 000 bêtes. Et fait partie des fibres d’excellence. Là, tout proche de nous, dans notre pays : le « Mérinos d’Arles Antique® » est de retour. Un sauvetage in extremis grâce à l’acharnement de quelques-uns.
La Filaventure Brun de Vian Tiran, musée sensoriel des fibres nobles
C’est à cette aventure humaine, manufacturière et animale, à la découverte de ce savoir-faire d’excellence, cette transfiguration de la matière et ce rêve de passionnés que nous convie aujourd’hui la « Filaventure Brun de Vian Tiran, musée sensoriel des fibres nobles ». Préparation, cardage, filature, bobinage, ourdissage, tissage, épincetage, teinture, foulage, chardonnage… Comme les 15 étapes qui transforment le fil brut en étoffe, l’histoire se tisse homme par homme (ou femme, cela va de soi).
« A chacune de ces étapes, la matière s’enrichit d’une dimension, se transforme en ligne, en surface, en volume, pour finalement devenir un espace de douce méditation entre soi et le monde »…
Attention ! A tant faire le funambule (tels les « Filambules », créatures oniriques en ferronnerie que vous apercevrez peut-être à la « Filaventure »), il se pourrait que les manufacturiers, déjà aventuriers, ne se muent en philosophes !
La Filaventure Brun de Vian Tiran
Musée sensoriel des fibres nobles
Luberon, Vaulcuse, Provence-Alpes-Côte d’azur
Avenue de la Libération
84 000 Isle-sur-la-Sorgue
Tel : 04 90 38 00 81
Sur le web : www.brundeviantiran.com