On l’a tous, un jour ou l’autre, fredonnée… Si Belle-Île-en-Mer n’est point caribéenne, elle n’en déroule pas moins des paysages paradisiaques. Soufflée d’embruns et de houle océanique, elle est, en vérité, incontestablement bretonne. Pour moi, elle est aussi synonyme d’enfance, car c’est dans cette île majestueuse que j’eus la chance de passer une grande partie de mes vacances. L’occasion de vous emmener dans une virée insulaire, entre souvenirs de jeunesse et découvertes au présent.
Cet article a été publié dans le magazine Le Temps d’Un Voyage (juillet 2022)
Des lieux à voir et à revoir
LES AIGUILLES DE PORT-COTON, CHEF D’ŒUVRE GRANDEUR NATURE
Enfants déjà, on se fichait un peu de ces files de cars touristiques agglutinées sur ce coin de côte sauvage… Mais on ne se lassait jamais du spectacle grandiose qu’offraient ces pics acérés plantés au milieu de l’océan déchaîné. La délicatesse de ces dentelles de roches témoignait d’un incroyable défi à la violence des éléments. Il paraissait qu’un grand peintre avait immortalisé les lieux. En l’occurrence, c’était Claude Monet. Aujourd’hui, la lande a repris ses droits, le site est mieux préservé et l’arrivée des cars beaucoup plus règlementée.
LA POINTE DES POULAINS, REFUGE D’ARTISTE
Tout au bout de l’île, le phare se dresse sur une presqu’île accessible uniquement par une plage – immergée lors des grandes marées -, comme dernier témoignage d’habitation humaine avant l’immensité de l’Atlantique. Sauvages et impressionnantes, les falaises alentour abritent un petit fortin : cette architecture crénelée fut la demeure de l’artiste Sarah Bernhard, l’une des premières à tomber amoureuse de l’île et à la faire connaître. Aujourd’hui, il a été restauré et se visite, tout comme, à l’entrée du site, la Maison de la nature, qui éclaire sur les écosystèmes iliens.
LE SENTIER DU LITTORAL, À SUIVRE DANS TOUS LES SENS
C’est l’un des trésors de l’île. Qu’on y vienne pour une simple promenade, une journée de randonnée ou un voyage en itinérance de plusieurs jours, le sentier côtier est une bombe de nature à l’état brut. Il longe inlassablement la côte, épouse les méandres du relief, offre au passage des panoramas fantastiques et révèle les recoins les plus secrets de l’île. Attention, certaines parties – notamment sur la côte sauvage – sont assez escarpées !
RENDEZ-VOUS À DONNANT…
Coincée entre des falaises vertigineuses, Donnant est la plage emblématique de l’île. Côte à côte, deux vastes anses au sable blond font face à une houle particulièrement appréciée des surfeurs. On dit souvent qu’il y a “deux” Donnant, car, à marée haute, on ne peut plus passer de l’une à l’autre. Tout le monde s’y donne rendez-vous : les enfants – qui jouent dans les myriades de bassins créés par les marées -, les jeunes, les familles – qui hurlent à l’unisson dans le fracas des vagues – et, bien sûr, les surfeurs, rois de cette baie.
… OU À LA PLAGE DE BALUDEN
Baluden est l’une des perles insulaires : il faut apprécier l’arrivée sur cette butte aux pelouses rases où, petit à petit, se dessine la ligne bleue de l’océan. En contrebas, l’anse parfaite semble lovée dans une coquille rocheuse. C’était, autrefois, un fabuleux terrain de jeux : les dunes se transformaient pour nous en toboggans géants et j’y ai fait les plus belles descentes de ma vie ! Esseulées par l’érosion et le désensablement chronique, elles ont aujourd’hui disparu.
LE FANTÔME DE L’APOTHICAIRERIE
Vous viendrez ici et observerez des plates landes à bruyère vagabonde, simplement ponctuées d’une maison en pierre… elle est la seule rescapée de ce qui fut “l’apothicairerie”, lieu mystérieux à maints égards pour nos yeux d’enfant. Ce fut en réalité le premier site touristique de l’île : dès la fin du XIXe siècle furent creusées des marches à même la roche, menant à la fameuse grotte de l’apothicairerie. Nous y descendions précautionneusement et atteignions cet antre rocheux aux ras-des-flots non sans appréhension. S’y mêlaient les plus intrigantes légendes de brigands, de trésors cachés et de morts épouvantables…
Las, des accidents survinrent et la grotte fut définitivement fermée au public. L’hôtel attenant fut finalement rasé par le conservatoire du littoral en 2012. Aujourd’hui, il reste le point d’accès à la réserve ornithologique de Koh Kastell, qui nous apprend que 80% de la surface mondiale de landes à bruyère vagabonde se trouve ici.
Rencontres insulaires d’aujourd’hui
FOCUS SUR LES ÉCOSYSTÈMES AVEC CÉLINE MARIE, À LA MAISON DE LA NATURE
“L’île est détentrice d’une richesse incroyable !” s’enchante Céline Marie, qui me reçoit à la Maison de la nature. “Sa partie terrestre comprend des falaises écorchées, très fragiles, des pelouses littorales et, surtout, des landes à bruyère vagabonde, qui représentent 80% de la surface mondiale”. Ce sont elles qui habillent le paysage estival de cette couleur violette, si belle et singulière… Céline nous apprend également que Belle-Île est une île de schiste, contrairement à toutes les autres îles bretonnes (Groix excepté, dont le schiste bleu est une particularité mondiale).
“Côté mer, Belle-Île comprend une aire marine protégée de 17000 ha, qui abrite des habitats sous-marins d’une richesse remarquable, avec notamment un banc de maërl, communément appelé le corail breton”. Cette algue qui se calcifie donne au sable une granulométrie particulière, s’apparentant à des micro-coquillages, très reconnaissable sur les plages de la côte nord. On trouve également un herbier de zostères, une plante sous-marine particulièrement fragile, et des champs de laminaires, qui vont jusqu’à 20-25 mètres de profondeur.
LES NOUVELLES SEMENCES DE LA FERME DE KEROULEP ET L’ASSOCIATION DU GRAIN AU PAIN
Depuis 2 ans, Maël a relancé la production de farine de sarrasin sur l’île. Accaparée par le blé et le maïs, l’agriculture locale a – comme partout – oublié ses semences ancestrales. Maël est de ceux qui relèvent le défi de les faire revenir : affilié à l’association Du Grain au pain, il tente ainsi l’aventure délicate de renouer avec une production locale. “Aujourd’hui, je suis le seul agriculteur céréalier dont la production est à destination de la consommation humaine. Le reste, sur l’île, est à destination des animaux”.
Avec une quarantaine d’adhérents, l’association regroupe trois agriculteurs, dont Maël, qui ont accepté de faire des essais, afin de cibler quelles variétés céréalières se plairaient sur l’île. Sans aucun traitement, cela va sans dire. Plus tardif, le sarrasin est plus difficile à récolter. “Mais ce que l’on trouve dans les magasins, cela n’a rien à voir : 80% du sarrasin que l’on achète vient de Pologne ou de Chine !”, nous explique-t-il. Équipé désormais d’un moulin en granit, taillé dans la masse, ce petit paysan en agriculture biologique compte également un troupeau de chèvres et des cochons. Cette diversification lui permet de recycler tous les déchets de ses productions. “Après, ce sont les consommateurs qui feront la différence. Si les gens demandent de la qualité, à un moment, il faudra suivre”.
LE MIEL DE RICHARD LAURANCE
Il faut aller chercher Richard Laurance tout au bout de l’île, isolé mais souriant dans sa magnifique boutique récemment refaite par une talentueuse designer. Installé ici depuis 2006, il possède aujourd’hui entre 450 et 500 ruches, réparties sur toute l’île. Son miel de printemps, le “Vert paradis” est une pépite, aux saveurs de réglisse, voire de café au lait, évoquant les arbres fruitiers, les ombellifères, les asphodèles ou les aubépines qui fleurissent alors. Mais attention, toute la production de 100 kg environ est vendue en une seule journée ! Vient ensuite le miel d’été, le “Cœur de soleil”, puis, en septembre, le miel de bruyère, “l’Isola Bella”.
Observateur de l’évolution de l’apiculture, richard nous confie : “Dans les faits, c’est très simple : les abeilles sont un indicateur de biodiversité assez implacable. Quand je suis arrivé en 2005, 15% des ruches mourraient tous les ans. Ce qui était largement inférieur à mes collègues du continent et ce qui était presque normal. Aujourd’hui, je perds le tiers de mes ruches tous les ans. (…) Au bout de 16 ans d’apiculture, l’optimisme, en matière d’écologie, je ne l’ai plus depuis longtemps. Il y a une prise de conscience citoyenne, mais c’est très, très long. Je garde espoir qu’à Belle-Île, les changements de générations feront avancer les choses. Mais je ne sais pas dans quel état seront les abeilles quand les choses changeront”.
Il y a des tentatives pour verdir un peu la PAC, mais ces lobbys sont tellement puissants…
LIRE L’INTERVIEW COMPLÈTE DE RICHARD LAURANCE
LES FROMAGES DU GAEC LES BREBIS
Au Gaec les Brebis, Jean-Marc Guedan nous attend au milieu de ses brebis. Installé en 2006, il se consacre désormais presqu’exclusivement à la production de fromages… Vous trouverez sa carriole au marché de Palais, à celui de Bangor et dans quelques épiceries de l’île. Ce Bellilois pur jus a repris la petite ferme artisanale de ses parents, et cherche désormais à opérer une transition en agriculture biologique.
Bonnes adresses de toujours
Quelle est la meilleure crêperie de Belle-Île ? Le débat a toujours fait rage. Il n’a jamais été définitivement tranché, ce qui, en réalité, est plutôt de bon augure : il y en a plusieurs d’excellentes ! Personnellement, j’ai un faible pour Chez René, à Bangor. On s’y arrêtait à vélo sur le retour des plages, pour un goûter plus que gourmand. Sa terrasse ombragée, enguirlandée de lampions, lui confère un air de guinguette champêtre. On y vient comme on est, on fait la queue comme tout le monde et on s’y régale toujours autant. En concurrence vint vite celle des Embruns, posée sur les quais de Sauzon. Au Palais, la Touline a, depuis peu, pris sa place au palmarès : installée sur les quais du port, dans un décor sobre et sympathique, on ne peut qu’acquiescer devant la qualité des galettes. Bref, je vous laisse conclure le débat !
PRENDRE UN VERRE FACE AUX EMBRUNS
Pour savourer la magie du soleil déclinant sur les aiguilles de Port-Coton tout en sirotant un cocktail, direction l’excellent Hôtel Le Grand Large, dont la terrasse face à l’océan, isolée au cœur de la côte sauvage, est unique. Plus festif et plus convivial, l’Hôtel du Phare, à Sauzon, est le rendez-vous incontournable à l’heure de l’apéro. On mentionnera aussi, dans un tout autre style, l’excellent café-librairie Liber & Co, à Palais, où l’on flâne avec bonheur.
Belle-Île-en-Mer
Office de tourisme