A Arles, deux projets culturels phares ont été inaugurés cet été : le Muséon Arlatan et LUMA Arles. Si tout deux sont le fruit de longues années de travail, le second a également impulsé une métamorphose de la ville, plus éclatante d’année en année, et lui promet, sous peu, le rang de nouvelle capitale culturelle. Dans les coulisses de cette transfiguration urbaine œuvrent des femmes et des hommes : créateurs, chefs, architectes, mais aussi, non loin, manadiers, gardians, dresseurs ou naturalistes… Car Arles plonge ses racines en Camargue, une terre d’eau et de lumière formée par le delta du Rhône. Sa beauté subjugue et refuse de se résumer. L’occasion d’une virée de la ville à la mer !
Cet article a été publié dans le magazine Le Temps d’Un Voyage (juin 2021)
LIRE LA PREMIÈRE PARTIE : D’ARLES
Au matin, je file vers la Camargue. Immédiatement, les horizons s’étirent, la lumière change, l’eau se mêle à la terre dans un étrange ballet de blancheur. C’est évident, je ne suis plus vraiment en Provence. Je songe à ces lignes monacales qu’évoquait Eric Bergère. Cette terre est faite de matériaux bruts.
Le Parc ornithologique du Pont de Gau, entre culture et nature
Je m’arrête au Parc ornithologique du Pont de Gau, où Frédéric Lamouroux, le directeur, m’accueille. Nous n’avons pas fait 100 mètres que nous sommes littéralement entourés de flamants roses et d’une myriade d’oiseaux, dont j’avoue ne pas connaître les noms. Cela tombe bien, Frédéric est là pour ça : sensibiliser les visiteurs. Inspiré de ses voyages au Québec, il a développé ici le principe du patrouillage : les visites sont libres, mais le personnel propose des échanges improvisés. “J’aime bien cette formule, elle permet de saisir des moments sur le vif, sans la contrainte de visites guidées à heure fixe”.
En matière d’ornithologie, la Camargue est d’une richesse exceptionnelle. En toutes saisons s’observent des centaines d’espèces d’oiseaux, autant migrateurs que sédentaires. Ibis, hérons, aigrettes, spatules, bouscarles, talève, foulques, busards… Impossible de toutes les citer ! “Il y a autant d’espèces d’oiseaux en Camargue, parce qu’il y a une grande diversité de milieux”, m’explique Frédéric. Je tourne mon regard à 360° : ici une roselière, là une sansouïre, à droite une vasière, derrière une pelouse, à gauche un marais d’eau douce, puis un étang, là-bas le Rhône et ses ripisylves, de l’autre côté des marais salants, et, plus loin encore, les dunes et le bord de mer… Sur un pont, Frédéric s’arrête.
“Ici, on peut comprendre le fonctionnement de la Camargue”, me dit-il. Au-dessus d’un improbable canal, je réalise alors la méprise. “Au bout, il y a une station qui va pomper l’eau du fleuve. Cette eau douce va servir à tout le monde et, moi, je la prends pour alimenter mes marais. Ce système hydraulique est vital à la Camargue, qui, en fait, est complètement endiguée. C’est une zone 100% artificielle. On n’a pas artificialisé les milieux, mais on en a artificialisé le fonctionnement. Au Parc, je tente de maintenir un équilibre naturel qui est, en fait, totalement artificiel. C’est paradoxal”.
Frédéric sourit : “les visiteurs ont la sensation d’arriver dans un environnement sauvage, alors que pas du tout !”. Les flamants dansent, les joncs balancent, les étendues d’eau se déploient dans une blancheur étincelante, rien n’apparait artificiel à l’œil et, pourtant, tout l’est. Sous son aspect sauvage, la Camargue est en réalité une terre apprivoisée par l’homme. Pour pouvoir, notamment, la cultiver.
Parc ornithologique du Pont de Gau
RD 570 – 13460 Stes Maries de la mer
Tél : 04 90 97 82 62 / www.parcornithologique.com
Entrée 7,5 €, ouvert toute l’année
Au Conservatoire des Cuisines de Camargue
Je poursuis mes pérégrinations camarguaises au Mas des Colverts où le chef Roger Merlin a lancé, en 2001, le Conservatoire des Cuisines de Camargue. Entre ateliers du goûts et animations diverses, le chef propose aussi des cours de cuisine. Tout en s’attelant à la préparation d’un festin, il m’explique qu’à travers ce Conservatoire s’est engagée une démarche de transmission dont le but est la mise en valeurs des produits du terroir. “J’aime bien transmettre”, me confie-t-il, “dès l’instant où la personne peut refaire une recette, je sais que j’ai réussi à faire passer un message”.
On y trouve, par exemple, le riz de Camargue, décliné en blanc, en rouge et en noir : “sur le plan nutritif, le riz noir est exceptionnel”, me glisse-t-il. Je croque les chips de riz aux graines de fenouil, je savoure la purée d’asperges vertes des sables, la fameuse fougasse aux olives avant de déguster un carpaccio de taureau AOP Camargue : un autre produit d’exception. Pour en comprendre l’origine, je passe sans digression du terroir aux traditions… Direction la manade Cavallini !
Mas des Colverts, Roger Merlin & Conservatoire des cuisines de Camargue
Route d’Arles – 13460 Saintes Maries de la Mer
Tel : 06 20 14 79 75 / www.masdescolverts.com
Manade, plus qu’une tradition
Créée en 1984, cette manade est une histoire de famille et de passion. Laura, jeune manadière, m’explique qu’ici, les bêtes ne sont pas élevées pour produire de la viande, mais pour les courses camarguaises. De la mi-mars à fin octobre, tout le pays vibre au rythme de ces jeux taurins. Cette tradition est ancestrale : codifiée par le Marquis Folco de Baroncelli au début du XXe siècle, son origine se perd dans les nimbes des siècles.
Surtout, insiste Laura, ils sont très différents des corridas : ici, pas de souffrance animale ni de mise à mort. Dans l’arène, le taureau doit sauvegarder ses attributs, face aux raseteurs qui tentent de les lui retirer. Le taureau est la star du jeu et la fierté de toute la manade. “C’est un métier de passion”, poursuit-elle. “Il faut défendre cette tradition. Élever des taureaux pour élever des taureaux, ce n’est pas le travail du manadier. On les élève pour les voir grandir, les voir forts en course, qu’ils nous ramènent des trophées”, conclue-t-elle, les yeux brillants. Elle m’emmène alors à la rencontre de ses farouches taureaux qui vivent en semi-liberté. Pour les approcher, les gardians montent leurs fameux chevaux de race Camargue, reconnaissables à leur belle robe blanche.
Manade Cavallini
Route d’Arles / 04 90 97 50 06 / www.manadecavallini.com
L’art de faire danser les chevaux
Les chevaux, Thierry Pellegrin les connaît bien. Dresseur et grand cavalier, il met en scène les plus beaux spectacles équestres de la région. Depuis 15 ans, le “Songe d’une nuit en Camargue” est unique en son genre : il a lieu in situ, en bord de l’étang, et rassemble jusqu’à 250 chevaux ! “La piste, c’est la Camargue”, m’explique Thierry, “c’est très rare des spectacles comme ça”.
“Je suis camarguais de génération en génération”, poursuit-il, “j’ai grandi avec les chevaux. C’est une vocation et le travail d’une vie. A travers mes spectacles, il y a toujours des allusions aux histoires de Camargue et la musique qui a baigné notre enfance. C’est la musique d’ici : Gipsy Kings, Manitas de Plata, Mano… Ces guitaristes du sud de la France ont mis la rumba catalane à la façon méditerranéenne de chez nous. La musique est très importante. C’est à partir de la musique que l’on a développé le côté artistique des chevaux qui dansent”. La musique gypsy ?
Théâtre équestre Camarkas
Draille des Capelans – Lieu dit Grazier – 13460 Saintes Maries de la Mer
Tel : 06 20 14 50 35 / www.camarkas.fr
Pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer
L’église des Saintes-Maries-de-la-Mer va m’éclairer à ce sujet. Car la ville ne porte pas son nom par hasard : la légende raconte qu’ici auraient accostées en radeau Marie Salomé, Marie Jacobé et leur servante Sara. Cette dernière est devenue la patronne des gitans, célébrée, chaque 24 mai, lors d’une magnifique procession à la mer.
Admirant les flots depuis le toit panoramique de l’église, j’imagine l’intensité de ces chants et ces danses gitanes. Me revient alors en mémoire la dernière salle du muséon Arlaten, qui explore la société camarguaise du XXIe siècle. Et le sentiment qu’une boucle se conclue. Le trait d’union se tisse de la ville à la mer, passé et présent dialoguent à travers les siècles et les traditions s’entremêlent dans un territoire bien plus complexe qui n’y paraît.
6 expériences à vivre en Camargue
L’eau, le ciel, la lumière et des terres mouvantes parsemées
de taureaux noirs et de chevaux blancs… La Camargue est un monde à part.
La preuve en six expériences uniques. Lire la suite sur L’Express.
Belles camarguaises :
notre carnet d’adresses en terre sauvage
Se réveiller face aux reflets mouvants des étangs, piquer son déjeuner au potager,
prendre une leçon de danse avec les flamants roses, rêver de Crin Blanc…
Déroulé d’un programme en Camargue, à suivre 8 adresses rares. Lire la suite sur L’Express.